Conséquences de la réforme de l'apprentissage de 2018
Question posée le 13 décembre 2022 :
M. Aurélien Saintoul interroge M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur les conséquences de la réforme de l'apprentissage de 2018, dite pour « la liberté de choisir son avenir professionnel ». En 2017, le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron déclare vouloir développer l'apprentissage chez les jeunes. Avec la réforme de 2018, l'apprentissage est passé de 300 000 contrats en 2017 à 730 000 en 2021. Le pari semble tenu pour le Président de la République, qui souhaite désormais atteindre un objectif d'un million d'apprentis d'ici la fin de son second quinquennat. En effet, avant 2018, seules les régions décidaient de l'ouverture de centres de formation d'apprentis (CFA), financés par le prélèvement de la taxe d'apprentissage auprès des entreprises. Désormais, n'importe qui peut ouvrir un CFA. Il y en a désormais 3 000 sur tout le territoire. Néanmoins, le résultat de cette mesure est plus mitigé que ces chiffres ne le laissent penser. La Cour des comptes indique que cette mesure n'a eu que peu d'impact sur l'emploi, les contrats d'apprentissage prenant le pas sur des CDI et CDD. En effet, il s'agit d'une aubaine pour les entrepreneurs, qui peuvent embaucher de la main-d'œuvre vulnérable et presque gratuite tant les subventions sont élevées. Le salaire d'un apprenti, en général proche du SMIC, est exonéré de cotisations sociales et pris en charge, selon son âge, entre 45 % et 100 % par l'État. Il coûte entre 20 % et 55 % du SMIC pour l'employeur. De plus, l'employeur obtient à chaque nouvelle embauche une subvention de 5 000 euros pour un apprenti mineur et de 8 000 euros pour un apprenti majeur. Par ailleurs, des fonds d'investissement se sont mis à acheter des CFA dans un objectif lucratif. En effet, pour chaque apprenti, l'État donne également un chèque à son centre de formation. Ces derniers sont donc parfois virtuels, comportant simplement quelques cours préenregistrés et n'apportant aucun accompagnement aux jeunes inscrits. La marge moyenne de ces centres est aux alentours des 40 %. Certains d'entre eux proposent même des contrats avec des frais d'inscription exorbitants pour les apprentis, a priori pris en charge par les subventions, mais pour lesquels aucun débouché en entreprise n'est finalement possible. Le jeune doit alors payer ces frais de sa poche. Enfin, de nombreux employeurs embauchent et licencient dans la foulée pour toucher la prime accordée par l'État. Aucune information n'est connue à ce jour concernant le nombre de ruptures de contrats d'apprentissage par an. Certains étudiants ayant cumulé deux voire trois contrats dans la même année, le chiffre de 730 000 apprentis mentionné plus tôt est donc à prendre avec précaution. Au surplus, si tous ces dysfonctionnements sont parfaitement légaux, ils ont cependant un coût : pour l'année 2021, 11,3 milliards d'euros ont été dépensés pour l'apprentissage, soit deux fois plus que le budget de l'enseignement professionnel public, une augmentation du coût moyen par apprenti de 17 % par rapport à 2017. Pire encore, la Cour des comptes alerte sur un déficit de 5,9 milliards d'euros de France compétences, l'organisme de financement de l'apprentissage. Aucun garde-fou n'est aujourd'hui en capacité d'empêcher les dévoiements induits par la réforme de 2018. L'inspection du travail est particulièrement sous-dotée et la certification « Qualiopi », nécessaire pour l'ouverture d'un CFA et censée garantir la qualité d'enseignement, est très simple à obtenir puisqu'il suffit de justifier de l'existence de quelques procédures administratives. Au vu de tous ces éléments, M. le député souhaite donc savoir combien de contrats d'apprentissage sont rompus tous les ans et quel est le taux de refus de la certification « Qualiopi ». Il demande également combien de personnes ont été flouées par des centres aux pratiques frauduleuses et pour quel montant total. Il désire enfin connaître les moyens que le Gouvernement compte mettre en place pour stopper ces pratiques inacceptables et renforcer la voie d'enregistrement professionnelle publique, qui constitue le meilleur moyen de prévention de ces abus et dérives.
Question sans réponse à ce jour.